C'est quoi le Spoofing ?

Silverstar

CONTROLEUR AERIEN
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J’ai eu ça en Octobre en 320, en approche de nuit sur SAW/LTFJ. C’est pas rigolo quand tu es près du relief.

Établis sur la STAR IBIDU 2H ça commence par un message GPS PRIM LOST.
On vérifie sur la page PROG : ACCURACY est sur HIGH, le FMS garantit que l’erreur sur sa position est inférieur au niveau de précision (RNP) demandé sur cette phase de vol, donc on peut continuel à voler cette STAR RNAV. Guidage radar, on est autorisés direct à l’IAF OBIXI et à débuter l’approche 24R.

En tant que PF je demande au Captain de faire un Direct To OKIPI, la route s’afffiche direct sur le ND, OKIPI est droit devant et c’est parti en descente vers 4000ft. La STAR indique qu’on ne doit pas descendre en dessous de 5500ft 6NM avant ce point, y’a du trafic et du terrain pas loin. Le message GPS PRIM LOST a disparu, le FMS utilise à nouveau le GPS pour se recaler. Tout baigne…

A environ 10Nm d’OKIPI l‘approche nous appelle et nous demande de confirmer qu’on va bien à OKIPI. Un coup d’œil sur le ND: OKIPI est droit devant d’après le FMS, on répond “oui pourquoi?”. A ce moment l’ATC nous répond qu’il nous voit 8NM à côté !

Ouch…Il faut réagir, et de suite, le LOC est complètement à G de là où on se dirigeait en réalité!
Je déconnecte le mode NAV en passant en mode HDG et j’altère immédiatement la route vers la gauche, j’active le mode LOC pour attraper le Localizer au plus tôt (le LOC est une station au sol, insensible au brouillage GPS). Et on demande un cap radar pour aller chercher le loc si ce n’est pas trop tard.

Ouf, le LOC est capturé, on vérifie la distance DME on est assez loin, en tous les cas avant le début de descente sur le Glide. On demande confirmation à l’ATC qu’on est bien établis sur le loc, Le contrôle nous confirme que oui, j’active le mode APPR pour intercepter le glide slope.
Dans la nuit nuire on voit les lumières d’Istanbul et la piste au loin. On est établis sur le Glide, on peut enfin respirer.

Re-message GPS PRIM LOST dans la descente, un coup d’œil au ND et je vois ça (Photo prise par le captain qui est PM). On est à 7NM finale et le FMS nous voit 2.8 Nm à côté…. Le terrain est complètement à droite sur le ND alors qu’il est juste devant moi!
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C’était bien du GPS spoofing, le FMS a réactualisé les données des centrales inertielles à partir de la position GPS (censée être plus précise). Sauf que la position GPS reçue était décalée. Et même lorsque le signal a été rejeté, la position résultante (MIX IRS) était faussée.

Au delà du GPS Jamming (le signal GPS est brouillé et le GPS est perdu), le GPS spoofing est plus pernicieux car il transmet une fausse position depuis une station au sol, et le FMS n’a aucun moyen de le savoir..

Le reste du vol s’est déroulé sans incident, et j’ai rempli un Safety Report comme on doit le faire dans ces cas là.
Comne quoi revenir aux fondamentaux et au Raw Data c’est vital dans ces cas-là, surtout la nuit près du relief. Le GPS est indispensable à l’aviation moderne, mais avec les conflits un peu partout, son usage en aviation civile va se compliquer.

Après discussion avec des collègues, d’autres cas similaires on été reportés dans la zone, et un collègue a même eu une alerte GPWS en croisière au FL 350. Le FMS a envoyé une fausse position/altitude au GPWS qui a cru que l’avion rentrait dans sa database d’onbstacles.
 
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Merci pour ce témoignage !

Je ne vole pas depuis 6 mois, et du coup j'ai un peu échappé au spoofing. Mais cela devient un réel problème. Je reçois pas mal de messages de la compagnie concernant ce problème.

Le danger, c'est justement cette position qui se met à jour via le mauvais signal GPS et l'avion pense que tout fonctionne parfaitement.

Amic

Tim
 
Un étudiant de l'Université du Texas a retracé la source de Spoofing GPS au Moyen-Orient jusqu'à la banlieue de Téhéran, mais il semblerait que personne ne puisse faire grand-chose pour les arrêter. Todd Humphreys, qui dirige le laboratoire de radionavigation de l'UT, a déclaré que l'étudiant diplômé, Zach Clements, était capable d'utiliser un équipement sur la Station spatiale internationale pour rechercher les faux signaux et se rapprocher de leur source. Selon lui, l'analyse des signaux eux-mêmes suggère qu'il s'agit d'une forme de brouillage plus sophistiquée, dont la forme la plus grossière est omniprésente dans la région. "Ils semblaient viser un déni de service plutôt qu'une véritable tromperie". "Mes étudiants et moi avons réalisé que le Spoofing était le nouveau brouillage. En d’autres termes, il est utilisé pour le déni de service parce qu’il est plus efficace à cette fin qu’un brouillage brutal."

Depuis fin septembre, le site Ops Group collecte des rapports de pilotes volant au Moyen-Orient signalant des équipements de navigation par satellite leur donnant de faux rapports de position. Dans certains cas, leurs instruments leur ont indiqué qu'ils se trouvaient à 120 milles de leur emplacement réel, ce qui a incité le FMS à réagir. Certains équipages ont dû demander à l'ATC des vecteurs pour maintenir le cap. Humphreys a déclaré que le développement du Spoofing affecte à la fois l'équipement dépendant du GPS et le système de référence inertielle (IRS). Les deux systèmes sont censés fonctionner indépendamment et l’IRS était censé être à l’abri de ce type de falsification. Cela affecte simultanément le système principal et leurs sauvegardes.

"Le GPS et l'IRS, ainsi que leurs sauvegardes redondantes, sont les principaux composants des systèmes de navigation aériens modernes", a déclaré Humphreys. "Lorsque leurs lectures sont corrompues, le système de gestion de vol suppose une position incorrecte de l'avion, les systèmes de vision synthétique affichent un mauvais contexte, etc." Il a déclaré que les équipages finissent par comprendre que quelque chose ne va pas et utilisent des outils démodés comme le VOR et le DME, mais que ceux-ci ne sont pas toujours disponibles et qu'ils doivent appeler l'ATC.
 
Il y a une grosse incompréhension du system.

La position GPS et IRS sont bien indépendante. Et si le signal GPS est perdu, alors la position du FMC s'aligne sur celle de l'IRS. Seulement, avec le spoofing, le signal GPS reste valide mais les coordonnées reçues sont fausses, et ça l'avion n'a aucun moyen de le savoir.

Amic

Tim
 
Oui “GPS jamming” et “GPS Spoofing” sont deux choses différentes.

- la première est un brouillage (jamming) ou une dégradation de la précision du signal reçu par les récepteurs satellites, soit par une station de brouillage au sol, soit directement par l’opérateur GPS qui donne un ordre aux satellites de diminuer localement la précision du signal transmis ou de carrément le supprimer sur une zone définie (selective availability ou SA), voire de le crypter pour le réserver aux militaires équipés et éviter leur utilisation par l’ennemi, en particulier pour les Drones et autres munitions guidées. Ce genre de brouillage est soit le fait de l'armée américaine directement (pour la SA & le cryptage, puisque le système GPS appartient et est opéré par le gouvernement US), soit par une armée équipée d’une station de brouillage locale. Ça existe depuis pas mal de temps, certaines zones le sont en permanence et depuis des années, comme la Syrie ou l’Afghanistan et le sud de la Turquie. Il y a même des NOTAMS qui rappellent régulièrement le fait. Avec le conflit en Ukraine je pense que le SA est activé sur tout le territoire de Russie.

Pour l’aviation civile, pas équipée pour recevoir les signaux cryptés ni équipée avec des récepteurs anti-brouillage, et qui rejette donc automatiquement un signal avec un code SA, on perd tout simplement le signal GPS quand on entre dans la zone. GPS PRIMARY LOST et c’est tout…

Les trois centrales inertielles continuent de fonctionner normalement, la position est mise à jour via les IRS insensibles au brouillage et la position résultante (MIX IRS) ne s’appuie plus que sur la combinaison des 3 positions IRS, position qui va au bout de quelques heures dériver un peu mais sans autres conséquences. Airbus a même publié une procédure pour ça. Au besoin on recalera l’horloge de bord (qui distribue l’heure à tous les équipements, FMS et CPDLC/ACARS compris), de GPS (mise à jour sur le signal GPS) a INT (interne). Dès que le signal GPS redevient valide le MIX IRS est recalé.

Lorsque j’étais basé Stockholm cet été on avait souvent du « Map shift« de l’ordre de 30/40 Nm en croisière pendant 15/20 minutes en Mer du Nord lorsqu’on longeait la frontière russe pas loin de l’Ukraine.
On confirme avec le radar qu’on est bien sur la route, on vérifie avec deux relèvements VOR à proximité et on continue. Le petit GPS GARMIN portable couplé avec l’appli de Navigation Jeppesen sur IPad, qui est capable de recevoir non seulement les signaux GPS(Americain), mais aussi GALILEO (Europeen) et GLONASS (Russe), est également utile pour confirmer la position.


- La deuxième est plus récente et nécessite d’autres équipements au sol. Il consiste à utiliser un signal qui imite (spoof) le signal et les données d’identification d’un satellite existant mais émis avec plus de puissance car plus proche du récepteur. Ce signal est intentionnellement légèrement décalé temporalement (les satellites de la constellation GPS sont synchronisés entre eux par des horloges atomiques embarquées) et les récepteurs GPS de l´avion qui basent leurs calculs de triangulation de position sur ce marquage temporel vont donc incorrectement calculer la position résultante.

Dans nos avions, le FMS qui calcule toujours son MIX IRS (position finale recalée et utilisée en navigation) à partir d’une combinaison des positions données par les 3 IRS et les récepteurs GPS lorsque dispo (plus recalage DME/DME si il y en a a proximité) va donc recevoir une position satellite parfaitement « valide » mais erronée.

Le vrai soucis est que les systèmes embarqués des avions de ligne et privés conçus dans les années 2000 assument que le signal GPS est toujours plus précis et a donc plus de poids dans le calcul du MIX IRS que les positions données par les centrales inertielles qui dérivent avec le temps, de par leur principe même.

Si la différence entre les position IRS et GPS est trop importante (>50 a 100 Nm), le FMS détectera le problème et affichera un message NAV/POS DISAGREE et alertera l’équipage, voire rejettera de lui même la position GPS erronée.

En revanche, si le décalage de la position GPS est limité (quelques dizaines de nautiques), la supercherie ne sera pas détectée, et pire le MIX IRS sera altéré. Et c’est là tout le problème, car aucun message d’alerte ne sera affiché, on aura même ACCURACY HIGH et GPS PRIMARY .
Seule solution, désactiver le GPS comme source de données pour MIX IRS avant d’entrer dans la zone concernée, mais faut il encore le savoir.

Et dans ce cas, on oublie les approches RNP (GNSS).
 
Dernière édition:
Source: Ops group
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Et encore, ce sont seulement les incidents rapportés à la FAA. A mon avis l’équipement nécessaire pour le Spoofing n’est pas gigantesque (pas de puissance d’émission importante nécessaire pour un spoofing local) et probablement à la portée de n’importe quel armée même moyenne, voire un groupuscule terroriste, et ça ça craint…

L’union Européenne n’a pas développé GALILEO pour rien, mais malheureusement, à part l’aviation privée équipée de multi récepteurs plus récents, la grande majorité des systèmes de navigation des Airliners n’utilise que les récepteurs GPS américains, donc vulnérables au SA et autre spoofing, qui est certainement plus complexe à implémenter si il faut imiter le signal provenant de plusieurs constellations de satellites d’origines différentes.
 
Dernière édition:
Tiens au dessus de l'Iran c'est clean ! comme c'est bizarre ... vous avez dit "bizarre ? , comme c'est bizarre .
 
Tiens au dessus de l'Iran c'est clean ! comme c'est bizarre ... vous avez dit "bizarre ? , comme c'est bizarre .
Et je confirme pour survoler l’Iran tous les deux jours du haut en bas: aucun problème de GPS pour l’instant (pourvu que ça doure!) alors qu’au dessus de l’Irak, Sud Turquie, et autour de Baku, si…
 
Le GPS est une technologie des années 1980. À l’époque, les gens étaient beaucoup moins préoccupés par la cybersécurité.
 
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