androl2015
PILOTE DE LIGNE
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Salut, salut
je cite entièrement :
''« Après une certaine période d’inactivité, les automatismes des pilotes “rouillent” »
Par Pierre Bouvier Le Monde du 13-02-2021
''Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le secteur du transport aérien traverse une crise historique, qui a obligé les pilotes et leurs employeurs à s’adapter afin de maintenir leur niveau à jour.
Guerre du Golfe, 11-Septembre, SRAS de 2003, crise financière de 2008… Le transport aérien a déjà traversé des crises majeures, mais en 2020 il a connu son annus horribilis à cause du Covid-19. Et l’année 2021 ne s’annonce pas meilleure, assombrie par l’émergence des variants anglais, sud-africain ou brésilien du SARS-CoV-2.
Pour limiter la propagation du virus, de nouvelles mesures de restriction sanitaires sont entrées en vigueur à travers le monde, réduisant drastiquement le trafic aérien. Autant d’aléas auxquels les compagnies aériennes et leurs pilotes, dont la profession est l’une des plus contrôlées au monde, ont dû s’adapter. Dans ces conditions, comment maintenir son niveau de compétence ?
Avant de voler pour une compagnie aérienne, les pilotes doivent décrocher des licences uniformisées au niveau européen : la CPL (Commercial Pilot Licence) et l’IR (Instrument Rating, pour pouvoir voler aux instruments). Ils sont ensuite qualifiés sur un type d’avion (Boeing 737, 777 ou 787, Airbus A320, 330 ou 350, Embraer, etc.). « Le brevet, c’est l’examen que l’on passe, comme un diplôme. La licence, c’est l’autorisation d’exercer. Elle doit être renouvelée tous les ans », détaille Cyril Real, commandant de bord sur Boeing 737-800 chez Transavia. Le prix moyen d’un brevet de pilote va de 60 000 euros à 100 000 euros dans le privé, sans compter la qualification sur Airbus ou Boeing, qui coûte environ 30 000 euros. Cette dernière doit être prorogée tous les ans après un contrôle.
« Les simulateurs tournent quasiment 24 heures sur 24 »
Dans ce métier, « la contrainte la plus pénalisante, c’est celle dite de l’“expérience récente” », explique Philippe Lacroute, porte-parole opérations aériennes d’Air France, où, depuis deux ans, il est commandant de bord sur Boeing 787. Auparavant, il a été instructeur sur les appareils de la famille Airbus A320. Il précise que, pour conserver sa licence, un pilote doit effectuer trois décollages et trois atterrissages dans les quatre-vingt-dix jours glissants, une exigence réglementaire.
CHAQUE COMPAGNIE A L’OBLIGATION D’ENTRETENIR SES PILOTES ET DE RENOUVELER LEUR LICENCE
« L’ADN de l’aérien, c’est la sécurité des vols, reprend Philippe Lacroute. On met tout en œuvre pour pouvoir assurer cette sécurité optimale. » Tous les pilotes, quelle que soit leur compagnie aérienne, sont soumis à la même réglementation. Chacune a l’obligation d’entretenir ses pilotes et de renouveler leur licence. Si toutes ces compagnies volent, c’est qu’elles sont en mesure d’assurer cet entraînement. Elles le font sur des simulateurs qui, depuis plusieurs années, sont certifiés pour délivrer des licences et des qualifications machines, comme le précise Philippe Lacroute :
« Aujourd’hui, faire un vol au simulateur revient à faire un vol dans un avion, il n’y a que la destination qui change. »
La norme est de quatre séances de simulateur par an. « Hors Covid, les pilotes d’Air France suivent deux fois deux séances de simulateur », reprend Philippe Lacroute. Deux séances sur deux jours servent à l’entraînement et les deux autres sur deux jours correspondent à la prorogation de la qualification. « Chez Air France, les simulateurs de vol sont à Roissy et Orly et tournent quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept », poursuit-il.
« Viscosité mentale »
En temps normal, les quotas de décollages, d’atterrissages et de séances de simulateur sont atteints sans problème chaque année. C’est moins facile à réaliser lorsque les compagnies ne réalisent que 40 à 45 % de leur programme de vol. « Avec le premier confinement, on s’est retrouvés avec cette butée réglementaire », poursuit l’ancien instructeur.
« En pilotant au quotidien, on acquiert rapidement des automatismes. Au contraire, après une certaine période d’inactivité, ces automatismes “rouillent”, vous êtes moins précis, moins efficace », ajoute Cyril Real, chez Transavia. « Cette “viscosité mentale” va surtout se ressentir dans les phases très dynamiques que sont la préparation de l’avion, le décollage, la montée, l’approche et l’atterrissage. En croisière, on a généralement beaucoup plus de temps pour s’organiser et prêter attention à la gestion des différents systèmes, optimisation de la navigation pour réduire la consommation de carburant et l’empreinte environnementale… »
« C’est un risque qui est identifié. Et à partir du moment où le risque est identifié, le danger est éloigné », assure Olivier Rigazio, du bureau exécutif du SNPL France Alpa, le principal syndicat des pilotes de ligne, et copilote sur Boeing 777 chez Air France.
Des « séances Covid »
Chez Air France, le service de la « sécurité des vols » a fait le choix de faire voler tous ses pilotes, reprend Olivier Rigazio. Et aux quatre séances réglementaires de simulateur, la compagnie en a ajouté de nouvelles pour répondre à l’inactivité causée par le Covid-19. « J’ai fait ce que l’on a appelé des séances Covid, reprend Philippe Lacroute. J’avais perdu mon expérience récente et j’ai fait deux séances de simulateur de deux heures et demie. »
« UN PILOTE PEUT DEMANDER : “J’AIMERAIS FAIRE UNE PANNE DE MOTEUR” OU TOUTE AUTRE PHASE DE VOL NORMALE OU ANORMALE »
Lors de ces séances, les pilotes révisent les procédures « normales » et les procédures « anormales » – avec pannes. Ils ont pu aussi suivre des séances à la carte, en fonction de leurs desiderata. « Un pilote peut ainsi demander : “J’aimerais faire une descente d’urgence” ou “J’aimerais faire une panne de moteur”, ou toute autre phase de vol normale ou anormale », relate l’ancien instructeur.
Chez Transavia, le programme d’entraînement a été adapté pour tenir compte de l’expérience des pilotes. « Il est évident que quelqu’un arrivé il y a cinq ans et qui a déjà quelques milliers d’heures de vol dans la compagnie va retrouver beaucoup plus vite ses marques qu’un pilote plus jeune dans la fonction – certains ont été embauchés juste avant la crise actuelle », poursuit Cyril Real.
« Des quiz hebdomadaires »
« La reprise des vols après une longue période d’inactivité impose aussi un travail personnel : lecture de la documentation des constructeurs (Boeing, Airbus…), de celle de la compagnie pour les procédures propres à l’opérateur », reprend Cyril Real.
Il ajoute que pour garder une bonne mémorisation des procédures normales de travail, de la gestuelle, il est possible de refaire le déroulé d’un vol dans son fauteuil en fermant les yeux, ou devant un poster du cockpit – comme celui fourni pendant le stage de qualification. « Certains utilisent maintenant des photos à 360°, voire des casques de réalité virtuelle. Peu importe la méthode, l’essentiel est de maintenir ses connaissances à jour. Transavia nous a également fourni des quiz hebdomadaires, bien pratiques pour réviser », poursuit-il.
« POUR ÊTRE SÛRS DE BIEN FAIRE LEUR TRAVAIL, LES PILOTES PRENNENT DAVANTAGE LEUR TEMPS »
De son côté, Olivier Rigazio, du SNPL, fait remarquer qu’après un an de crise, « bien qu’il y ait beaucoup moins d’avions dans le ciel, ils ne sont pas plus à l’heure ». Il n’y voit qu’une explication : « Pour être sûrs de bien faire leur travail, les pilotes prennent davantage leur temps. » Il ajoute que ce phénomène ne concerne pas seulement ces derniers : les contrôleurs aériens mettent, selon lui, davantage de distance entre les avions au décollage.
« Certains automatismes nécessitent d’être remis en place et on le fait grâce aux outils de simulation », répond Loïc Parisi, contrôleur à Roissy-Charles-de-Gaulle, membre du bureau national du Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), le premier syndicat des contrôleurs aériens.
« Et c’est un point sur lequel nous travaillons afin de continuer de maintenir un niveau de sécurité suffisant, de s’adapter au trafic actuel et de préparer une reprise qui interviendra à plus ou moins long terme en fonction des différents scénarios. »
Le contrôleur ajoute qu’aujourd’hui le trafic peut passer d’une heure très calme à une pointe de trafic assez forte : « Je pense, par exemple, à du trafic cargo, la nuit, sur les hubs FedEx, ou celui de La Poste, parce qu’eux continuent à voler. »
Sollicité par Le Monde, le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) explique, pour sa part, que « les événements de 2020 font toujours partie des enquêtes en cours », mais que, « à ce stade, aucun incident saillant ne ressort ». ''
RoRo
je cite entièrement :
''« Après une certaine période d’inactivité, les automatismes des pilotes “rouillent” »
Par Pierre Bouvier Le Monde du 13-02-2021
''Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le secteur du transport aérien traverse une crise historique, qui a obligé les pilotes et leurs employeurs à s’adapter afin de maintenir leur niveau à jour.
Guerre du Golfe, 11-Septembre, SRAS de 2003, crise financière de 2008… Le transport aérien a déjà traversé des crises majeures, mais en 2020 il a connu son annus horribilis à cause du Covid-19. Et l’année 2021 ne s’annonce pas meilleure, assombrie par l’émergence des variants anglais, sud-africain ou brésilien du SARS-CoV-2.
Pour limiter la propagation du virus, de nouvelles mesures de restriction sanitaires sont entrées en vigueur à travers le monde, réduisant drastiquement le trafic aérien. Autant d’aléas auxquels les compagnies aériennes et leurs pilotes, dont la profession est l’une des plus contrôlées au monde, ont dû s’adapter. Dans ces conditions, comment maintenir son niveau de compétence ?
Avant de voler pour une compagnie aérienne, les pilotes doivent décrocher des licences uniformisées au niveau européen : la CPL (Commercial Pilot Licence) et l’IR (Instrument Rating, pour pouvoir voler aux instruments). Ils sont ensuite qualifiés sur un type d’avion (Boeing 737, 777 ou 787, Airbus A320, 330 ou 350, Embraer, etc.). « Le brevet, c’est l’examen que l’on passe, comme un diplôme. La licence, c’est l’autorisation d’exercer. Elle doit être renouvelée tous les ans », détaille Cyril Real, commandant de bord sur Boeing 737-800 chez Transavia. Le prix moyen d’un brevet de pilote va de 60 000 euros à 100 000 euros dans le privé, sans compter la qualification sur Airbus ou Boeing, qui coûte environ 30 000 euros. Cette dernière doit être prorogée tous les ans après un contrôle.
« Les simulateurs tournent quasiment 24 heures sur 24 »
Dans ce métier, « la contrainte la plus pénalisante, c’est celle dite de l’“expérience récente” », explique Philippe Lacroute, porte-parole opérations aériennes d’Air France, où, depuis deux ans, il est commandant de bord sur Boeing 787. Auparavant, il a été instructeur sur les appareils de la famille Airbus A320. Il précise que, pour conserver sa licence, un pilote doit effectuer trois décollages et trois atterrissages dans les quatre-vingt-dix jours glissants, une exigence réglementaire.
CHAQUE COMPAGNIE A L’OBLIGATION D’ENTRETENIR SES PILOTES ET DE RENOUVELER LEUR LICENCE
« L’ADN de l’aérien, c’est la sécurité des vols, reprend Philippe Lacroute. On met tout en œuvre pour pouvoir assurer cette sécurité optimale. » Tous les pilotes, quelle que soit leur compagnie aérienne, sont soumis à la même réglementation. Chacune a l’obligation d’entretenir ses pilotes et de renouveler leur licence. Si toutes ces compagnies volent, c’est qu’elles sont en mesure d’assurer cet entraînement. Elles le font sur des simulateurs qui, depuis plusieurs années, sont certifiés pour délivrer des licences et des qualifications machines, comme le précise Philippe Lacroute :
« Aujourd’hui, faire un vol au simulateur revient à faire un vol dans un avion, il n’y a que la destination qui change. »
La norme est de quatre séances de simulateur par an. « Hors Covid, les pilotes d’Air France suivent deux fois deux séances de simulateur », reprend Philippe Lacroute. Deux séances sur deux jours servent à l’entraînement et les deux autres sur deux jours correspondent à la prorogation de la qualification. « Chez Air France, les simulateurs de vol sont à Roissy et Orly et tournent quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept », poursuit-il.
« Viscosité mentale »
En temps normal, les quotas de décollages, d’atterrissages et de séances de simulateur sont atteints sans problème chaque année. C’est moins facile à réaliser lorsque les compagnies ne réalisent que 40 à 45 % de leur programme de vol. « Avec le premier confinement, on s’est retrouvés avec cette butée réglementaire », poursuit l’ancien instructeur.
« En pilotant au quotidien, on acquiert rapidement des automatismes. Au contraire, après une certaine période d’inactivité, ces automatismes “rouillent”, vous êtes moins précis, moins efficace », ajoute Cyril Real, chez Transavia. « Cette “viscosité mentale” va surtout se ressentir dans les phases très dynamiques que sont la préparation de l’avion, le décollage, la montée, l’approche et l’atterrissage. En croisière, on a généralement beaucoup plus de temps pour s’organiser et prêter attention à la gestion des différents systèmes, optimisation de la navigation pour réduire la consommation de carburant et l’empreinte environnementale… »
« C’est un risque qui est identifié. Et à partir du moment où le risque est identifié, le danger est éloigné », assure Olivier Rigazio, du bureau exécutif du SNPL France Alpa, le principal syndicat des pilotes de ligne, et copilote sur Boeing 777 chez Air France.
Des « séances Covid »
Chez Air France, le service de la « sécurité des vols » a fait le choix de faire voler tous ses pilotes, reprend Olivier Rigazio. Et aux quatre séances réglementaires de simulateur, la compagnie en a ajouté de nouvelles pour répondre à l’inactivité causée par le Covid-19. « J’ai fait ce que l’on a appelé des séances Covid, reprend Philippe Lacroute. J’avais perdu mon expérience récente et j’ai fait deux séances de simulateur de deux heures et demie. »
« UN PILOTE PEUT DEMANDER : “J’AIMERAIS FAIRE UNE PANNE DE MOTEUR” OU TOUTE AUTRE PHASE DE VOL NORMALE OU ANORMALE »
Lors de ces séances, les pilotes révisent les procédures « normales » et les procédures « anormales » – avec pannes. Ils ont pu aussi suivre des séances à la carte, en fonction de leurs desiderata. « Un pilote peut ainsi demander : “J’aimerais faire une descente d’urgence” ou “J’aimerais faire une panne de moteur”, ou toute autre phase de vol normale ou anormale », relate l’ancien instructeur.
Chez Transavia, le programme d’entraînement a été adapté pour tenir compte de l’expérience des pilotes. « Il est évident que quelqu’un arrivé il y a cinq ans et qui a déjà quelques milliers d’heures de vol dans la compagnie va retrouver beaucoup plus vite ses marques qu’un pilote plus jeune dans la fonction – certains ont été embauchés juste avant la crise actuelle », poursuit Cyril Real.
« Des quiz hebdomadaires »
« La reprise des vols après une longue période d’inactivité impose aussi un travail personnel : lecture de la documentation des constructeurs (Boeing, Airbus…), de celle de la compagnie pour les procédures propres à l’opérateur », reprend Cyril Real.
Il ajoute que pour garder une bonne mémorisation des procédures normales de travail, de la gestuelle, il est possible de refaire le déroulé d’un vol dans son fauteuil en fermant les yeux, ou devant un poster du cockpit – comme celui fourni pendant le stage de qualification. « Certains utilisent maintenant des photos à 360°, voire des casques de réalité virtuelle. Peu importe la méthode, l’essentiel est de maintenir ses connaissances à jour. Transavia nous a également fourni des quiz hebdomadaires, bien pratiques pour réviser », poursuit-il.
« POUR ÊTRE SÛRS DE BIEN FAIRE LEUR TRAVAIL, LES PILOTES PRENNENT DAVANTAGE LEUR TEMPS »
De son côté, Olivier Rigazio, du SNPL, fait remarquer qu’après un an de crise, « bien qu’il y ait beaucoup moins d’avions dans le ciel, ils ne sont pas plus à l’heure ». Il n’y voit qu’une explication : « Pour être sûrs de bien faire leur travail, les pilotes prennent davantage leur temps. » Il ajoute que ce phénomène ne concerne pas seulement ces derniers : les contrôleurs aériens mettent, selon lui, davantage de distance entre les avions au décollage.
« Certains automatismes nécessitent d’être remis en place et on le fait grâce aux outils de simulation », répond Loïc Parisi, contrôleur à Roissy-Charles-de-Gaulle, membre du bureau national du Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), le premier syndicat des contrôleurs aériens.
« Et c’est un point sur lequel nous travaillons afin de continuer de maintenir un niveau de sécurité suffisant, de s’adapter au trafic actuel et de préparer une reprise qui interviendra à plus ou moins long terme en fonction des différents scénarios. »
Le contrôleur ajoute qu’aujourd’hui le trafic peut passer d’une heure très calme à une pointe de trafic assez forte : « Je pense, par exemple, à du trafic cargo, la nuit, sur les hubs FedEx, ou celui de La Poste, parce qu’eux continuent à voler. »
Sollicité par Le Monde, le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) explique, pour sa part, que « les événements de 2020 font toujours partie des enquêtes en cours », mais que, « à ce stade, aucun incident saillant ne ressort ». ''
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